INTERVIEW – MAJOIE HOUNDJI
Activiste, communicante et pionnière de la lutte contre le cyberharcèlement
Chez Reveal Her, on scrute les profils qui font bouger les lignes. C’est ainsi que nous sommes tombées sur Majoie Houndji. Sur les réseaux sociaux, son engagement saute aux yeux : des messages puissants, une voix posée mais percutante, et surtout un combat crucial en Afrique francophone — la lutte contre le cyberharcèlement. En creusant un peu, on découvre une femme entrepreneure, activiste, cheffe d’agence, fondatrice de magazine… Et surtout une survivante devenue leader d’opinion. On l’a donc contactée, curieuses de comprendre son histoire, ses valeurs, et ce que son expérience pouvait apporter à la communauté Reveal Her. Voici son portrait, en toute sincérité.
Reveal Her : On va commencer simple… Si tu devais te présenter en quelques phrases, tu dirais quoi ?
“Je suis Majoie Houndji, journaliste, influenceuse et activiste béninoise reconnue comme pionnière de la lutte contre le cyberharcèlement en Afrique de l’Ouest. Je préside l’organisation Migbo, dirige Majoie Magazine et Majoie Communication, et je suis également à l’initiative des Prix de la Considération.” Majoie est une véritable femme-orchestre, qui a su transformer l’épreuve en moteur. En 2017, victime de cyberharcèlement dans un contexte où le sujet était quasiment inexistant dans l’espace public, elle fait le choix audacieux de transformer la violence subie en engagement. “J’ai décidé, en tant que victime, de profiter de cette occasion pour ouvrir les yeux des Ouest-Africains sur l’existence de ce fléau.”
Reveal Her : Ton engagement contre le cyberharcèlement est devenu emblématique. Mais avant tout ça, il y a eu une histoire personnelle. Tu nous racontes ?
Ce qu’a vécu Majoie en 2017 dépasse l’indignation. Elle a été violemment attaquée en ligne pour une partie de son corps : ses seins, jugés “trop petits” par des internautes cruels. “Selon eux, c’était un ‘péché’.” Mais Majoie refuse d’être réduite à un corps ou à des insultes. “J’ai voulu montrer que nos complexes peuvent devenir des atouts, des superpouvoirs.” Elle transforme ce moment en plateforme de lutte. Grâce à une communauté qu’elle fédère avec intelligence et courage, elle devient une icône, une référence. Elle partage aussi, avec beaucoup de sensibilité, l’impact de cette mobilisation : “Notre lutte a permis à plusieurs victimes de ne pas se suicider. Beaucoup l’ont dit publiquement. Et c’est ce qui fait ma force aujourd’hui.”
Reveal Her : Parlons de ton côté entrepreneure ! Pourquoi avoir lancé Majoie Communication, et quel est ton ‘super pouvoir’ dans ce domaine ?
Loin du storytelling classique, Majoie crée une agence spécialisée dans l’e-réputation, un domaine encore méconnu en Afrique francophone. “J’ai mis en place cette structure pour répondre à la nécessité croissante d’une gestion proactive de l’image en ligne, face aux défis du numérique.” Elle accompagne des personnalités publiques, politiques et professionnelles pour améliorer leur image sur Internet, en établissant des ponts stratégiques entre eux, les journalistes, les influenceurs et les médias. “On va jusqu’à la mise en ligne de leurs portfolios numériques, leurs Wikipedia et leurs pressbooks.” Une vraie stratégie d’influence éthique et responsable.
Reveal Her : Tu as croqué la vie à pleines dents malgré les obstacles… Y a-t-il un moment, une rencontre, une histoire qui t’a changée à jamais ?
L’une des plus belles histoires que Majoie partage est celle de Fawaz, un jeune homme atteint de vitiligo. Elle raconte comment un post sur la mannequin Winnie Harlow a déclenché une discussion entre eux. Il lui confie avoir été stigmatisé, traité de voleur, tenté d’être brûlé. Elle lui dit : “Tu es magnifique. Deviens le premier mannequin vitiligo au Bénin. Fais de ta différence une force.” Il le fait. Et réussit. “Aujourd’hui, il voyage. Et à chaque fois que je le vois avancer, je me dis : voilà pourquoi je continue.”
Reveal Her : Quels défis as-tu rencontrés dans ton parcours, en tant que femme engagée dans un domaine aussi sensible ?
“Le premier défi, c’était de trouver de l’information sur le cyberharcèlement, un sujet totalement ignoré à l’époque. Le second, c’était de transformer une audience de 60 000 abonnés — composée majoritairement de haters et de curieux — en une communauté sensibilisée et mobilisée.” Elle le fait sans gros moyens, mais avec un mental de fer et une stratégie redoutablement efficace. Cette capacité à créer de la valeur là où il n’y avait que du vide ou de la haine est une force admirable.
Reveal Her : Qui t’inspire au quotidien ? Des figures publiques, des personnages, des proches ? Raconte-nous.
Elle cite la militante Lizzie Velasquez, qualifiée par certains de “femme la plus laide du monde” mais devenue symbole mondial de la résilience. Elle évoque aussi des figures fictives comme Olivia Pope ou Médéia. Mais son inspiration la plus intime reste son père. “Il m’a dit : ‘Tu es une très belle personne. Tant que tu ne te trouves pas belle, ce ne sont pas ceux qui sont en ligne ou dans la rue qui te le diront.’” Ce moment marque le début de sa reconstruction.
Reveal Her : On termine avec une question signature : qu’est-ce que tu aimerais dire à toutes les femmes qui n’osent pas encore faire entendre leur voix ?
“N’ayez jamais peur de prendre la parole. Votre voix est précieuse. Soyez audacieuses, croyez en vous, et faites résonner votre vision dans le monde. Même si ça dérange. Même si ça fait peur. C’est là que commence le vrai pouvoir.”
À travers ses mots, son parcours et ses actions, Majoie Houndji nous montre qu’on peut tout transformer — la douleur, les injures, l’injustice — en énergie créatrice. Une voix puissante et inspirante qui fait du bruit, pour de bonnes raisons. Et que Reveal Her est fière de faire entendre,
